5 questions à… B Santhanam

B Santhanam dirige le Groupe Saint-Gobain en Inde. Il détaille pour nous les conséquences de la pandémie de Covid-19 dans cet immense pays dont le déconfinement s’opère très progressivement, entre nouvelles attentes des consommateurs et évolution de la vie au travail.

Comment se porte l’activité du Groupe en Inde ?

Après un excellent début d’année 2020, en mars nos ventes ont atteint à peine 55 % du niveau pré-Covid. En avril, l’Inde entière était confinée et nos ventes provenaient principalement de l'exportation. Ce mois-ci (mai), le marché se redresse lentement alors même que le secteur de la construction devrait connaître une baisse de 20 à 30 %sur l’année 2020. Il est vital pour nous de gagner des parts de marché et nous sommes exceptionnellement bien placés dans toutes nos activités pour y parvenir.

Dans cette période exceptionnelle, les entreprises du Groupe se concentrent sur les besoins de leurs clients : prendre en compte les spécificités, les contraintes et les besoins de chacun pour construire des offres sur-mesure. Malgré le confinement, des milliers de projets continuent d’être suivis, de sorte que dès que l’un d’eux sera en capacité de redémarrer nous serons prêts à le servir.

Avec le déconfinement et le la reprise du business, quelles sont vos priorités ?

B Santhanam : J’en vois trois : un redémarrage prudent et protecteur sur le plan sanitaire, l’augmentation du cash mais aussi l’identification et la conversion rapide de chaque opportunité commerciale.

Sur le plan sanitaire, nous sommes attachés à offrir à nos collaborateurs des conditions optimales et alignées avec les exigences gouvernementales afin qu’ils puissent reprendre le travail en toute sécurité.

Sur le plan de l’activité, nos usines, y compris celles qui produisent du verre, des plaques de plâtre et des abrasifs pour le marché national, fonctionnent désormais à la demande, car notre priorité, c’est le cash et donc la réduction des stocks. Nous accélérons toutefois le redémarrage de toutes les lignes qui sont orientées vers l'exportation. Beaucoup de nos lignes de production se sont adaptées pour accompagner avec agilité la dynamique du marché : volumes minorés, délais de production très rapides… Nous avons mis à profit cette période pour redéfinir notre structure de coûts fixes et variables et avons lancé un programme ambitieux de réduction des coûts totaux dans nos activités régionales et mondiales.

Enfin, le télétravail, et la nécessité de repenser l’aménagement intérieur de nombreux bureaux, nous offrent des perspectives commerciales intéressantes. Notre leadership dans le domaine du digital nous permet aussi de cibler finement les besoins de nos clients. Autant de conditions qui représentent une véritable opportunité pour nos activités, très bien implantées localement.

Pensez-vous que la crise du Covid-19 va faire évoluer le marché indien… et ses consommateurs ?

On perçoit une modification radicale des habitudes de consommation – un changement de paradigme que nous allons devoir étudier avec la plus grande attention. Nos équipes de ventes, de marketing et d'innovation collaborent en ce sens.

Ce que nous percevons déjà c’est que le monde post-Covid sera plus local, moins mondialisé. Il sera marqué forcément par de l’incertitude, par l’explosion du télétravail et par un commerce électronique florissant.

Les consommateurs sont désormais en quête de valeur et d’un modèle de production réinventé – même si leurs aspirations à posséder un logement ou une voiture et globalement un confort de vie optimal continueront d’être le moteur de notre économie… Mais ces achats importants seront sans doute reportés dans un premier temps au profit des produits de première nécessité, de l'épargne puis de l'investissement dans la rénovation des logements pour faciliter le télétravail.

Quelle réponse doit apporter le Groupe à ce marché en réinvention ?

Nous devons nous concentrer sur les opportunités offertes par les changements du marché que j’évoquais précédemment. Cela passe par une compréhension fine des nouveaux besoins des clients, en collaboration avec les business et nos partenaires, pour développer des solutions qui correspondent à leurs attentes. Des attentes en matière d'hygiène, de confidentialité, d’acoustique, de versatilité et de modularité de l’habitat, qui détermineront la conception future des maisons, des espaces de travail et des intérieurs.

Une équipe rassemblant business et R&D travaille ainsi au lancement de nouvelles solutions et de nouveaux produits.

C'est le bon moment pour déployer rapidement des outils digitaux dans les abrasifs pour améliorer la productivité de nos clients. Dans les secteurs de la construction, outre les solutions transversales, l'accent doit être mis sur la simplicité, la facilité d'application et les outils numériques qui aident à réduire les frictions et soucis éventuels d'installation et d'utilisation de nos produits. C’est d’ailleurs dans cet objectif que nous allons renforcer nos capacités en Réalité Augmentée et Réalité Virtuelle. Notre Data & Analytics Academy nous aidera à identifier des clients potentiels en quête d'une véritable expertise.

Cette crise aura-t-elle des conséquences sur la façon dont nous travaillons ?

Oui, forcément. Explosion du télétravail, réduction des déplacements au profit de réunions virtuelles, baisse des mètres carrés de bureaux nécessaires… Et puis surtout, le Covid-19 nous a tous fait monter en compétences sur le plan digital.

Je suis convaincu que tous ces changements se produiront sans perte de productivité et permettront même une collaboration accrue entre les fonctions et les business. Je suis d’ailleurs agréablement surpris par l'agilité dont font preuve nos équipes pour adopter ces outils numériques.

Tout en restant des experts reconnus dans nos domaines, nous apprenons tous à apprendre en permanence et à remodeler le monde de façon plus durable.