La mobilité hydrogène prend son envol

Grande autonomie, recharge rapide, absence totale d’émission de CO2, complément aux batteries… Les véhicules à hydrogène présentent de nombreux avantages. Mais ils doivent encore franchir de nombreux obstacles avant d’arriver à maturité.

A travers le monde, les initiatives se multiplient

Comment décarboner un secteur des transports encore dépendant des énergies fossiles ? La mobilité hydrogène pourrait être la solution. Encore faut-il que cet hydrogène soit « vert », produit à partir de sources énergétiques renouvelables. L’industrie automobile s’est emparée du sujet depuis quelques années déjà. Quant au secteur aéronautique, il annonce le premier avion à hydrogène pour 2035.

Partout dans le monde, la mobilité hydrogène est en train d’éclore. Certains pays, comme le Japon, se sont lancés un peu avant les autres. La Chine commence à son tour à s’intéresser au sujet. Aux États-Unis, l’Etat de Californie compte de son côté développer 200 stations d’hydrogène dans les quatre années à venir.

En Europe, l’Allemagne a annoncé en juin 2020 vouloir mobiliser 9 milliards d’euros pour financer sa feuille de route vers la mobilité hydrogène. L’objectif est de produire 5 GW d’hydrogène "vert" en 2030 et 10 GW en 2040. En France, sur les 100 milliards d’euros prévus par le plan de relance initié en réponse à la crise sanitaire, 30 milliards sont dédiés à la transition écologique. Dans cette enveloppe, 7 milliards seront consacrés, d’ici à 2030, à l’émergence d’une filière de l’hydrogène. L’objectif affiché est de créer une capacité de production d’hydrogène décarboné de 6,5 GW en 2030.

Et si actuellement, il n’y aurait que 10 000 à 12 000 véhicules roulant à hydrogène dans le monde, l’Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible estime que dans une décennie la flotte mondiale pourrait représenter 10 à 15 millions de véhicules. Rien que ça.

Hydrogène : de multiples qualités

Mais la question reste entière : pourquoi cet engouement soudain pour la molécule d’hydrogène ?

La raison est simple : l’hydrogène possède de très nombreuses qualités. Il renferme tout d’abord une grande quantité d’énergie (la combustion d’un kilo d'hydrogène libère environ trois fois plus d'énergie qu'un kilo d’essence), sa combustion ne rejette dans l’atmosphère… que de l’eau ! Par ailleurs, il peut être produit et stocké localement. Enfin, c’est un gaz inodore, incolore et non toxique.L’hydrogène apparaît donc comme le moyen idéal pour décarboner de nombreux secteurs d’activité comme le BTP, l’industrie et... les transports.

De l’hydrogène, oui, mais de l’hydrogène «vert» !

Il y a plusieurs manières de produire de l’hydrogène décarboné, également appelé hydrogène « vert » .

Une première méthode est l’électrolyse de l’eau (décomposition de la molécule d’eau grâce à un courant électrique). Par contre, pour obtenir un hydrogène décarboné, l’électricité doit provenir de sources renouvelables (comme le solaire et l’éolien) ou de centrales nucléaires.

Il existe aussi le vaporeformage des hydrocarbures (méthane et hydrocarbures liquides), technique traditionnelle de production de l’hydrogène dit « gris ». Le vaporeformage émet du CO2 mais si ce dernier est capté puis stocké, on reste dans une production d’hydrogène « vert » .

Bien entendu, pour que cette production d’hydrogène "vert" puisse exister, c’est toute une filière qu’il faut développer : des sites de production couplés à des éoliennes ou des panneaux photovoltaïques, des zones de stockage, des stations de distribution, le développement de l’offre des constructeurs et la baisse des coûts de production.

Hydrogène et batterie : une complémentarité forte

 

Mais avec l’hydrogène, comment fait-on rouler une voiture ? Concrètement, les moteurs qui utilisent de l’hydrogène sont de deux types. Soit l’hydrogène est utilisé directement comme carburant dans un moteur à combustion, en lieu et place de l’essence traditionnelle. Soit il s’agit d’un moteur électrique alimenté par une pile à combustible, cette dernière transformant alors l’hydrogène en électricité.

Les véhicules à hydrogène sont-ils meilleurs que les véhicules à batterie ? Ce sont en réalité des solutions complémentaires qui, pour de multiples raisons, peuvent et doivent coexister.

L’hydrogène présente une meilleure densité d’énergie, ce qui offre une autonomie supérieure à celle des véhicules à batterie (du simple au double, voire du simple au triple). Les temps de « recharge » sont par ailleurs similaires à ceux d’un véhicule thermique (quelques minutes), alors qu’il faut attendre plusieurs heures pour un véhicule à batterie. Qui plus est, le volume et le poids de la pile à combustible sont bien inférieurs à ceux de batteries électriques. Enfin, du côté des métaux rares, les piles à combustible n’utilisent que du platine alors que les batteries embarquent du lithium, du nickel et du cobalt.

Un véhicule à hydrogène est ainsi davantage adapté aux longues distances et aux charges lourdes qu’aux trajets courts et arrêts fréquents en milieu urbain. Il est donc plus susceptible d’être un camion, un bus ou un véhicule utilitaire qu’une voiture particulière. Cela étant, l’hybridation des deux technologies peut apporter une grande flexibilité aux véhicules qui en sont équipés.

Le secteur automobile en pleine ébullition

Les constructeurs automobile ont compris les enjeux de ce marché. Les trois marques les plus avancées sont Honda, Hyundai et Toyota. Elles ont respectivement mis sur le marché les modèles Clarity, Nexo et Mirai qui utilisent une pile à combustible. En France, Renault a lancé fin 2019 une gamme d’utilitaires hybrides (hydrogène et électrique). Peugeot a annoncé vouloir se lancer sur ce marché d’ici 2021.

Du côté du transport routier, une cinquantaine de camions Xcient Fuel Cell devrait rouler sur les routes suisses à très court terme. Ils seront fournis par Hyundai, précurseur dans ce domaine. Le constructeur coréen a par ailleurs annoncé un début de commercialisation sur le marché nord-américain en 2022. En Chine, il prévoit de livrer 4 000 camions à des groupes industriels d’ici 2025. Quant à Toyota, il vient d’annoncer le développement d’un poids lourd à hydrogène de classe 8 (plus de 15 tonnes). Début novembre, Volvo et Daimler Truck ont créé une entreprise commune visant à produire et commercialiser des systèmes de piles à combustible dédiés aux poids-lourds.

Sur les rails, sur mer et dans les airs

Le transport ferroviaire n’est pas en reste. De nombreux trains propulsés par une pile à hydrogène arrivent sur les rails. C’est le cas en Corée du Sud, aux États-Unis, en Russie, en France et dans la majorité des pays européens.

Sur les mers, l’émulation est bien présente également. Le constructeur de bateaux All American Marine vient d’annoncer vouloir construire un ferry en aluminium fonctionnant à l’hydrogène. Il sera exploité dans la baie de San Francisco. Les groupes HDF (Hydrogène de France) et ABB ont quant à eux annoncé lancer la production de piles de plus de 1 MW dédiées aux grands navires. En Norvège, PowerCell Sweden, société spécialisée dans les piles à hydrogène, et le constructeur naval Havyard Group, sont en train de concevoir le premier ferry à hydrogène.

Dans le secteur aéronautique, l'avion concept ZEROe, qui sera le premier avion commercial zéro émission au monde, selon Airbus, est annoncé d'ici 2035. De plus petits constructeurs, comme l’entreprise britannique ZeroAvia, ont déjà réalisé leur premier vol d’essai avec un avion de 6 places.

Des obstacles à surmonter

Mais le développement d’une filière hydrogène n’est pas aussi simple qu’il y paraît. Il faut en effet de l’énergie pour produire de l’hydrogène qui, comme l’électricité, n’est qu’un vecteur énergétique et non une énergie primaire (comme le gaz, le pétrole, le rayonnement solaire ou l’énergie éolienne). Si l’on ne veut pas produire de l’hydrogène plus carboné que les carburants fossiles eux-mêmes, il faut s’orienter vers des sources d’énergie renouvelables. A moins que l’énergie ne provienne de réacteurs nucléaires. Dans les deux cas, il est nécessaire de construire des infrastructures additionnelles pour répondre à la demande.

La mise en place d’un réseau efficace d’avitaillement est par ailleurs indispensable. Fin 2019, seules 432 infrastructures de ravitaillement étaient en service dans le monde, dont 330 ouvertes au grand public, selon le site H2stations.org.

On le voit, malgré les obstacles technologiques que la filière de la mobilité hydrogène va devoir surmonter, un engouement touche une majorité de pays dans le monde. Les financements publics et privés sont présents et, même si elles doivent être optimisées, les techniques existent. Il ne reste plus qu’à diminuer les coûts de production pour faire de l’hydrogène « vert » un marché de masse.

 

Crédits photos : Kelly Marken / Shutterstock,DesignRage / Shutterstock

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