L’innovation collective, un défi pour les entreprises

Les entreprises le savent bien : c’est en réunissant des intervenants aux expertises diverses et en développant de nouvelles méthodes de travail, qu’elles multiplient leurs chances de développer de nouvelles solutions. Mais comment déployer cette nouvelle culture de l’innovation ? On fait le point.

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L’innovation n’est pas un processus linéaire

On croit souvent, mais à tort, que l’innovation est forcément le fruit d’un éclair de génie imaginé par individu créatif. Ou alors qu’elle est le fruit de lourds investissements en recherche et développement (R&D). Mais la réalité est plus complexe que cela. Si de nombreuses entreprises mettent bien en place des laboratoires dédiés à la R&D, avec pour objectif de multiplier leurs chances de concevoir de nouvelles solutions, ces seuls dispositifs ne sont pas suffisants. Car le processus ne fait plus mystère : si ce sont bien les individus qui innovent, le résultat n’est que rarement le fruit du hasard et encore moins la réussite d’une équipe d’« innovateurs » dédiée.

 

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Réunir des individus aux expertises complémentaires

Prenons l’exemple de l’incroyable success story des vaccins contre le Covid-19 : dans le monde entier, des milliards de personnes ont pu être protégées contre ce virus mortel en un temps record grâce à la création de vaccins d’un tout nouveau genre.

 

« Nous avons assisté à la résolution, par l'ingéniosité humaine, de problèmes que nous n'avions même pas envisagés il y a seulement 12 mois », a écrit Albert Bourla1, le PDG du laboratoire pharmaceutique Pfizer, en mars 2021. « Chez Pfizer, la naissance de ce vaccin a nécessité l’invention de conteneurs d’expédition isothermes, capables de conserver notre vaccin à des températures extrêmement basses pendant le transport, mais aussi de chambres froides dotées d’un équipement innovant… qui n’existait même pas avant mars 2020. » Pour Albert Bourla, ce vaccin est tout à la fois le fruit d’esprits scientifiques brillants, de technologies numériques et de méthodes de travail réinventées. Ce qui démontre, s’il le fallait encore, l’importance de la collaboration entre une grande diversité de parties prenantes.

Kärcher, le spécialiste allemand des solutions de nettoyage, place aussi l’humain au cœur de sa stratégie d’innovation.2 Une approche qui implique de faire collaborer des équipes pluridisciplinaires pour développer de nouvelles idées de business, de travailler avec des startups sur de nouveaux projets et d'encourager les personnes extérieures à l'entreprise à soumettre leurs idées.

Kärcher affirme qu’environ 90 % de ses produits ont été développés il y a cinq ans ou moins. Et cela semble fonctionner : en 2020 l’entreprise a enregistré un chiffre d’affaires record de 2,72 milliards d’euros.

« C’est une certitude, l’innovation continue doit être inscrite au cœur de l’ADN de toute entreprise. Même quand les affaires vont bien, il est impératif de réfléchir à l’évolution de son marché », affirme Fabian Bernhard, professeur de management à l’EDHEC Business School. Et il insiste, « l’innovation ne doit pas être un processus ponctuel, les entreprises doivent investir en continu dans les individus ».

Mais alors, comment les entreprises peuvent-elles s'assurer qu'un tel modèle s'inscrive dans la culture de l’organisation sur le long terme ?

Créer une nouvelle culture du management

La première clé, c’est le développement d’un leadership fort – et plus précisément, de nouvelles manières de l’exercer. C’est l’ingrédient essentiel pour relever l’un des principaux défis auxquels les entreprises sont confrontées, dès lors qu’elles organisent la collaboration entre des équipes pluri-disciplinaires ou multi-culturelles : la résistance au changement. En la matière, Fabian Bernhard préconise de donner plus de responsabilités et de contrôle aux collaborateurs sur certains projets ou tâches. Selon lui, « la meilleure stratégie contre la résistance au changement, c’est de modifier l’idée que les gens se font des choses », mais cela requiert un nouveau type de culture managériale.

Et c’est précisément le choix qu’a fait Saint-Gobain. Ces dernières années, afin de s'adapter à l'évolution rapide et à la forte concurrence des marchés sur lesquels elle opère, l'entreprise a profondément renouvelé ses méthodes de management, adoptant de nouvelles façons de travailler basées sur la confiance, la responsabilisation et la collaboration. Une approche dont l’objectif avoué est d’encourager l’ouverture à l’altérité et de favoriser l’esprit d’initiative tout en démultipliant les opportunités de formation.

 

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Changement de culture

Ouvrir la voie au changement culturel, favoriser l'esprit d'innovation de tous les collaborateurs et explorer de nouvelles façons d'être et d'agir : tout cela passe par la mise en œuvre de processus de décisions resserrés et rapides, mais aussi par des managers prêts à faire évoluer leurs équipes vers plus d'autonomie et de responsabilité. Et pour y parvenir, les entreprises doivent développer une culture de la collaboration et de la mise en commun des résultats, mise en œuvre par des managers qui ont appris à opérer au sein d’un système hiérarchique fortement minimisé au profit d’un esprit collectif fort.

Encourager l’innovation nécessite aussi de responsabiliser les collaborateurs… et d’avoir confiance en leur expertise. Chez Saint-Gobain, par exemple, plusieurs applications ont été conçues pour permettre aux opérateurs, dans les usines, de piloter en toute autonomie le suivi des machines avec lesquelles ils travaillent. Pannes, besoins de maintenance : ils les signalent désormais eux-mêmes. Une responsabilisation et une valorisation de leur expertise qui permet en retour à l’entreprise de bénéficier de leurs idées précises sur la manière d'améliorer les processus ou même d'imaginer de nouvelles méthodes.

 

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Cette approche nécessite toutefois le développement d’une « culture du feedback ». Un mode de fonctionnement qui permet les échanges au fil de l’eau entre managers et collaborateurs mais aussi directement entre collaborateurs, plutôt que d’attendre les évaluations annuelles pour dresser le bilan de chaque projet.

Comme le démontrent ces grandes entreprises, c’est l’union qui fait la force quand on veut innover. La création de nouveaux produits et services requiert un alliage complexe de personnes, de technologies et de procédés. Et le crucial développement d’une culture d’entreprise adaptée. Les dirigeants qui cherchent à gagner en résilience, pour affronter les incertitudes de l’époque, doivent donc affirmer haut et fort l’importance stratégique de l’innovation et veiller à ce qu'elle fasse partie de l'ADN de leur organisation.
 

1. Albert Bourla reflects on the one year anniversary of the covid-19 pandemic (Pfizer)
2. Moving forward: Kärcher is opening up new technologies and exciting business models

 

Crédits photos : Gorodenkoff/Shutterstock // APChanel/Shutterstock

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