Échouer pour mieux rebondir : oui mais comment ?

Et si le droit à l’erreur était un sésame pour l’innovation et la créativité ? C’est là tout le fondement des entreprises agiles et apprenantes, qui voient dans l’échec une opportunité de s’améliorer et de grandir.

L’échec est culturel

Les vertus de l’erreur

Oui, vous avez le droit à l’erreur ! Provocateur en France ou Espagne, cet adage est vénéré dans la Silicon Valley, aux Etats-Unis. Des pays différents, et des façons diverses d’appréhender l’échec. Le droit à l’erreur est-il culturel ? Existe-t-il des échecs salvateurs ? Une chose est certaine : pour les startups, l’erreur fait partie du chemin et permet de s’améliorer…
Je n'aime pas le mot échec, il est trop souvent interprété en négatif. Je préfère ne pas parler en terme de réussites ou d'échecs, mais simplement d'apprentissage.
Minas Apelian
Directeur de l’Internal and External Venturing de Saint-Gobain (Nova)

Lorsque l’on interrogeait Thomas Edison sur l’invention de la lampe électrique, il avait coutume de dire qu’il n’a jamais échoué mais juste trouvé 10 000 façons qui ne fonctionnent pas ! Voilà qui nous éclaire sur le droit à l’erreur. Honteux pour les uns, porteur d’avenir pour les autres, l’erreur est avant tout une expérience universelle, que tous les humains rencontrent au cours de leur vie. Peut-on blâmer un enfant qui tombe plus de 2 000 fois avant de savoir marcher ? Que se passerait-il s’il ne tentait pas à nouveau l’expérience ? 

Le vice de la faute, la vertu de l’erreur

Chaque échec, chaque faux pas, chaque erreur, est en fait une opportunité pour apprendre et grandir. Encore faut-il s’entendre sur les termes « erreur », « faute » et « échec ».  Si la faute est volontaire et relève d’une négligence ou d’un manque de travail, l’erreur reste inconsciente, sans volonté de nuire. Toutes deux peuvent conduire à l’échec, souvent cuisant, mais parfois inspirant voire salvateur... Comme celui de Steve Jobs. Viré de chez Apple en 1985, l’inventeur de l’iPhone confiait : « C’est la meilleure chose qui me soit arrivée : le poids de la réussite a été remplacé par la légèreté d’être à nouveau un débutant sans certitudes. » De cet échec, il a tiré une nouvelle créativité, lui permettant de revenir aux commandes d’Apple en 1997, alors au bord de la faillite. Avec le succès que l’on connaît…

L’échec est culturel

Le droit à l’erreur aurait-il une vertu insoupçonnée ? Cela dépend, car notre rapport à l’échec demeure avant tout culturel. Dans les pays du sud de l’Europe l’insuccès est aussi redouté que tabou. La faute revient à des systèmes éducatifs qui condamnent le « cancre » très tôt. Et ce modèle perdure hélas bien souvent dans le monde de l’entreprise. Celui qui échoue, reste finalement ce mauvais élève, qui n’a pas bien appliqué les consignes. Vécue comme une défaite personnelle, l’erreur engendre dans ces organisations une peur quasi irrationnelle du risque. 

A l’inverse, aux Etats-Unis, la culture de l’échec est valorisée, tout comme en Angleterre ou en Suède, où un musée « des fiascos commerciaux » met en scène des essais infructueux. L’échec, un tremplin vers le succès ? C’est en tout cas la devise de la Silicon Valley, où l’on passe son temps à échouer, pour mieux se relever. Oui, l’erreur a de nombreuses vertus méconnues, comme celle par exemple de découvrir quelque chose que l’on ne cherchait pas. Si Christophe Colomb ne s’était pas trompé, jamais il n’aurait découvert l’Amérique. Si les sœurs Tatin avaient suivi la recette, jamais elles n’auraient inventé leur délicieuse tarte… Source d’inspiration, l’erreur est aussi propice à l’innovation car elle permet de s’améliorer, d’ajuster ses recherches pour finalement obtenir un résultat optimal. 

Ne plus blâmer l’autre

Mais, pour qu’un échec soit fécond, il faut oser le regarder droit dans les yeux, l’intégrer dans son business plan comme Elon Musk. C’est le premier enseignement que toute entreprise devrait appliquer. « En réalité, nous, les entreprises, ignorons trop souvent les causes profondes de l'échec. C'est facile de toujours blâmer l’autre. Nos autopsies demeurent trop superficielles, sans remise en question, » concède - dans une tribune sur LinkedIn - Claire Pedini, Directrice Générale Adjointe, Ressources Humaines et Transformation Digitale chez Saint-Gobain. Amy Edmonson, une universitaire américaine, déplore cette culture du blâme et prône « l’organisation sans peur ». « Elle a trouvé une réponse radicale à mettre en œuvre dans les organisations d'entreprises : "échouer vite" pour réussir vite. » 

« Je n'aime pas le mot échec, je trouve qu’il est trop souvent interprété comme négatif. Personnellement, je préfère ne pas parler en termes de réussites ou d'échecs, mais simplement d'apprentissage » explique Minas Apelian, Directeur de l’Internal and External Venturing de Saint-Gobain (Nova). « J'essaie toujours de prendre le temps de réfléchir et d'apprendre des projets réussis… et de ceux non réussis. Cet apprentissage m'aide à prendre de meilleures décisions et me permet d'ajuster mon approche pour mieux atteindre mes objectifs. »

Autrement dit, il s’agit d’impulser une véritable dynamique pour devenir une entreprise apprenante et agile. Ce modèle managérial se retrouve au sein des startups qui osent créer sans peur. A la manière d’un jeune enfant, elles explorent, expérimentent, trébuchent, se relèvent et tentent à nouveau ! « Les organisations doivent apprendre de leur échecs et favoriser la prise de risques et l’expérimentation, clé de la réussite admet Benoit Bazin, Directeur Général Délégué de Saint-Gobain dans une tribune sur LinkedIn intitulée « Rendons heureux ceux que l’on veut rendre meilleurs ! ». L’équipe doit fonctionner comme une cordée qui s’épaule, se complète et s’assure d’une confiance réciproque. » Pour être agile, il faut donc appliquer de nouvelles méthodes managériales, basées sur le collectif, en mettant l’humain au centre des projets. L’enjeu majeur sera de parvenir à changer le regard sur l’échec en le considérant comme une hypothèse probable. Pas simple, mais c’est le socle même de l’agilité ! 

L’erreur, comme la réussite, pose la question de la dépendance aux normes sociales, au regard de l’autre et à son jugement. Elle met aussi en lumière des différences culturelles qui se jouent d’un pays à l’autre. Mais partout, n’oublions pas que « la plus grande erreur que vous puissiez faire dans la vie, c’est d’avoir peur de faire des erreurs », comme le disait l’ancien Président des Etats-Unis, John F. Kennedy.

Crédits : patpitchaya/Shutterstock, GaudiLab/Shutterstock, REDPIXEL.PL/Shutterstock, Tinnakorn jorruang/Shutterstock, MIND AND I/Shutetrstock

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