Pourquoi remettre l’imagination au cœur de l’entreprise ?

Et si l’imagination était le principal capital de l’entreprise du futur ? La question peut surprendre et même faire grincer les dents. A l’heure des objectifs, de l’intelligence artificielle et de la data, l’imagination ne semble avoir aucune place dans une organisation 4.0. Mais en êtes-vous si sûr ?

Vers une entreprise libérée
« L’entreprise d’aujourd’hui pilote un flux de données dans une logique de mathématiser le réel, au détriment de l’imagination. »

Nouveau modèle d’organisation, la libération de l’entreprise séduit en plaçant l’imaginaire et l’humain au cœur de son système. Mais ce néo-management peine parfois à trouver sa place dans des organisations freinées par les normes…

« Le monde de l’industrie a forgé son imaginaire autour d’une organisation pensée comme un corps-machine, analyse Jean-Philippe Pierron, philosophe et enseignant à l’Université de Bourgogne. Avec des rouages, des mécanismes et des points de friction. »

L’empire des normes

En parallèle, depuis une vingtaine d’années, l’entreprise s’est, elle aussi, forgée sa propre identité, en devenant une formidable machine à penser, trier et classer. « C’est l’ère de l’empire des normes, qui vise à mathématiser le réel, dans une logique de fiabilisation, » expose Jean-Philippe Pierron. La crise de la Covid-19 ne fait que renforcer cette tendance à l’ultra-pragmatisme. D’aucuns caressent le rêve d’une gouvernance par les nombres, pour mieux évaluer les risques et scénariser le futur.

Penser avec l’hémisphère droit

Bien que très utile à l’organisation, ce pragmatisme forcené tend à cloisonner l’entreprise en de multiples silos organisationnels. Devenue « cage d’acier », celle-ci s’enferme dans une culture de la norme, étouffant dans l’œuf l’innovation et l’imagination. L’agilité ainsi promise par la technique se meut alors en immobilisme. « Poussée à l’extrême, l’entreprise-logique vide le travail de toute substance, » note Jean-Philippe Pierron. Alors, comment libérer les idées ? La réponse est simple : aidez l’entreprise à changer d’hémisphère ! Eh oui, nos organisations ont tendance à « réfléchir » avec leur cerveau gauche, au détriment de l’hémisphère droit, plus intuitif et émotionnel. Libérer son imaginaire, c’est donc oser penser différemment, « out of the box ».

Challenger les organisations…

Conscientes de leurs propres biais, nombre d’entreprises ont multiplié les initiatives ces dernières années, pour produire des idées nouvelles et redonner du sens au travail. Fondés sur le principe d’open innovation, les fablabs explorent de nouvelles méthodes de travail, centrées sur la coopération. Cette approche pluridisciplinaire suppose d’associer différents acteurs venus d’univers variés (universitaires, startups, etc), qui partagent leurs idées autour d’un projet commun. Si les open-labs challengent les organisations, ils ne doivent en aucun cas se substituer aux process établis. Leur rôle est d’apporter un nouvel angle ainsi qu’une autre façon de penser, plus créative et plus collaborative. Ils ne doivent être ni trop loin de la maison-mère, ni en immersion totale dans l’organisation, afin de conserver leur rôle « d’agitateur d’idées ». En ce sens, ils créent un nouvel espace de liberté et de travail, qui favorise à la fois la coopération et l’intelligence collective.

… Et ré-engager chaque salarié

Libérer l’imaginaire dans une entreprise, c’est aussi saisir l’opportunité de ré-engager chaque salarié, en s’appuyant sur son potentiel et ses qualités. Cette implication est une condition sine qua non pour qu’il devienne acteur du changement et qu’il impulse cette dynamique de libération.

« Dans la cadence des agendas, apprenons également à libérer de l’espace-temps, et accordons-nous la possibilité de penser le temps long, » insiste Jean-Philippe Pierron. « Souffler n’est pas un luxe, et le slow-working apporte son lot de sang neuf et permet de prendre du recul. »

Des méthodes comme le mindmapping (un graphique représentant des idées, des tâches, des mots, des concepts des qui sont liés entre eux autour d’un sujet central) ou le design fiction (une pratique qui consiste à concevoir des expériences futures) favorisent également cette pensée féconde, sans censure ni contrôle. De même, les espaces ouverts et collaboratifs font circuler la parole plus facilement. Sommes-nous en route vers une entreprise libérée ? L’idée est séduisante, d’autant que dans la nature, la majorité des espèces fonctionnent sur le système de l’holacratie. Autrement dit, sur une gouvernance fondée sur l’intelligence collective. Et si c’était la clé de l’entreprise du futur ?


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