Une maison intelligente ? Mais pour quoi faire ?

Les habitats connectés sont plébiscités par les utilisateurs partout dans le monde. Mais la multiplication des dispositifs technologiques qui nous simplifient la vie ne doit pas nous faire oublier le plus important : la maîtrise et le contrôle de ce qui nous entoure.

Mener sa maison à la tablette

Des fenêtres qui s’ouvrent ou se ferment seules, des vitrages qui s’obscurcissent en fonction de la luminosité ou qui s’opacifient carrément avec une simple commande électrique, des lumières qui se maîtrisent depuis un smartphone, un chauffage automatique dans la salle de bain au moment de la douche, capteurs de pollution acoustique, contrôle de la qualité de l’air intérieur, équilibre automatique de la température pour plus de confort thermique… Quant aux assistants personnels vocaux (Google Home, Amazon Echo...), ils répondent au doigt et à l’œil à la moindre sollicitation.

N’en jetez plus, c’est établi : nos maisons deviennent intelligentes ! Et globalement, ces systèmes apportent de nombreux bénéfices dans de multiples pans de notre vie : efficacité énergétique, maintenance, contrôle de la qualité de l’air, détection d’intrusion ou d’incendie, télétravail, aide aux personnes dépendantes, automatisation des travaux ménagers ou tout simplement loisirs.

Il faut systématiquement repartir des besoins exprimés par les occupants d’un lieu si l’on souhaite faire ressortir les vrais enjeux du logement connecté"

Maison connectée : des chiffres impressionnants

Le cabinet Research & Markets estime qu’à l’échelle mondiale, le marché de la domotique devrait croître de 16,5 % par an d’ici à 2025, pour atteindre un chiffre d’affaires de 144 milliards de dollars (130 milliards d’euros). En Europe spécifiquement, le cabinet d’études suédois Berg Insight, estime que le marché des systèmes résidentiels intelligents était de 12,9 milliards d’euros en 2018 et devrait atteindre 36,8 milliards en 2023, suivant une croissance annuelle moyenne de 23,4 %. Au niveau mondial, 644 millions d’équipements domotiques ont été livrés en 2018 selon IDC. Ils devraient être, en 2022, au nombre de 1,3 milliard. On l’aura compris, le secteur est en pleine croissance.

Éviter tout déterminisme technologique

Dans ce contexte d’engouement généralisé, on peut néanmoins se poser la question de l’utilité de cette course à l’armement technologique qui gagne nos habitations. Selon Patrice Barbel, enseignant-chercheur à l’Université de Rennes 1, responsable à l’ISTIC (Institut Supérieur des Techniques de l’Information et de la Communication) du Master Ingénierie des TIC (Techniques de l’Information et de la Comunication) pour les éco-activités, il faut éviter tout déterminisme technologique.

« Il faut systématiquement repartir des besoins exprimés par les occupants d’un lieu si l’on souhaite faire ressortir les vrais enjeux du logement connecté. Et à mon sens, ceux-ci sont liés aujourd’hui principalement à la transition énergétique et au maintien à domicile des personnes âgées, associant confort et sécurité », analyse-t-il.

Efficacité énergétique : prendre le contrôle

 

Alors comment s’y prendre pour concevoir les outils d’une maison intelligente qui soit vraiment utile à ses utilisateurs ? Pour l’enseignant-chercheur, il faut rentrer dans une logique de résultat. Cela signifie, par exemple, construire des indicateurs de suivi de la consommation énergétique d’un logement et mettre en place des processus d’amélioration. « Les technologies doivent se mettre à la disposition des mesures dans l’habitat. L’objectif premier est de donner aux occupants les moyens de comprendre les processus dans lesquels ils évoluent. Si vous ne mesurez pas, vous ne pouvez pas comprendre et donc vous ne pouvez pas agir », note Patrice Barbel.

Et l’universitaire d’ajouter : « Ce n’est pas la maison qui est intelligente. Ce sont les interactions de l’occupant avec ses activités qui font la différence. C’est sa compréhension de ce qu’il fait qui est importante. La consommation énergétique d’un foyer est par définition invisible, sauf tous les six mois quand la facture arrive. Il faut donc rendre visible ce qui ne l’est pas. L’enjeu est de prendre le contrôle ».

Maintien à domicile et efficacité énergétique : même combat

Capteurs de mouvement, bracelets d’activité, téléalarme, robots d’assistance... Les nouvelles technologies de santé connectée offrent également une très large palette de possibilités pour le maintien à domicile des personnes âgées.

« Faciliter le maintien à domicile des personnes âgées ou dépendante consiste aussi à faciliter le travail des professionnels qui interviennent sur place. Les technologies sont là pour transmettre des informations aux différents acteurs impliqués. Mais il est aussi nécessaire de construire des modes d’interaction permettant aux personnes âgées de garder la main sur leur environnement car la question de l’autonomie, c’est la question du contrôle », synthétise Patrice Barbel. Ce qui peut passer par la conception de véritables « scénarios de vie », pensés pour et par le résident et pleinement adaptés à ses habitudes. Par exemple l’ouverture automatique des volets chaque matin, l’activation du chauffage dans la salle de bain à l’heure habituelle de sa toilette ou l’allumage des lumières en actionnant un seul bouton, au lever et au coucher par exemple. Mais aussi des détecteurs de mouvements et des dispositifs d’éclairage automatique pour réduire les risques de chute ou encore une commande à distance pour ouvrir la porte d’entrée sans se déplacer, A chaque fois l’idée c’est d’adapter la maison à son habitant singulier. Et non l’inverse.

Et finalement, c’est sans doute cela qui marque le véritable intérêt pour les maisons intelligentes : ce sont certes des maisons qui savent se gérer en autonomie, qui sont capables d’optimiser leurs dépenses énergétiques et qui sont truffées d’innovations… Mais ce sont surtout des maisons qui donnent à leurs habitants le plus important des pouvoirs : le savoir.

 

Crédits : HQuality/Shutterstock; Andrey_Popovy/Shutterstock

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