La neutralité carbone d'une entreprise est-elle une fin en soi ?

La neutralité carbone est un défi bien plus facile à relever si l’on mobilise tous ses acteurs, allant des institutions mondiales aux pouvoirs publics locaux, des multinationales aux petites entreprises. Alors, êtes-vous prêts ?

Objectif Zéro Carbone
"Les chaînes logistiques constituent un sujet de préoccupation particulier pour les entreprises. Leurs émissions sont en moyenne 5,5 fois plus importantes que les émissions directes de l’entreprise elle-même."

La neutralité carbone est un défi partagé par un nombre croissant d'acteurs - des organismes gouvernementaux et étatiques aux grandes organisations jusqu'aux petites entreprises. Cependant, cette neutralité carbone ne pourra être atteinte que si la démarche de chacun s'inscrit dans un processus sociétal commun, global, impliquant et engageant totalement tous les acteurs.

Pour atténuer l'impact du changement climatique, nous devons réduire drastiquement les émissions de carbone. Bien que la neutralité carbone puisse sembler un objectif hors de portée, elle est plus facile à atteindre que ce que l'on pourrait croire. Il existe toute une série d'initiatives de réduction des émissions de carbone à l'intention des organisations et des gouvernements, allant de l'efficacité énergétique dans les processus de fabrication et de la décarbonation des sources d'électricité à la gestion des déchets et à la foresterie. Et pour réussir à remplir l'objectif de l'accord de Paris de 2015 visant à limiter l'augmentation de la température mondiale à 2 °C, les émissions mondiales de carbone doivent atteindre zéro émissions nettes d'ici 2050. Partout dans le monde, les pays s'engagent de façon plus résolue dans la lutte contre le réchauffement climatique. La Chine a récemment déclaré son intention de devenir neutre en carbone avant 2060 et a promis de commencer à réduire ses émissions au cours de la décennie à venir.

La neutralité carbone : un engagement en faveur du changement 

S’engager en faveur de la neutralité carbone nécessite de transformer une organisation et sa chaîne de valeur à tous les niveaux. Y parvenir implique toutefois que les entreprises dévoilent au préalable leur ambition de parvenir à zéro émissions nettes, mais elles ne doivent en aucun cas le faire seules. En collaborant avec leurs pairs, les pouvoirs publics, les villes et agglomérations locales, elles peuvent définir une vision partagée de la manière d’atteindre leurs objectifs et comprendre le rôle que les leaders climatiques de l’entreprise ont à jouer.

Organisme à but non lucratif, We Mean Business aide les entreprises à se fixer des ambitions et à choisir la méthode pour les réaliser. Selon Dean Cambridge, son directeur adjoint, « les dirigeants doivent se saisir des objectifs audacieux de leurs entreprises et prendre les mesures nécessaires à la mise en œuvre d’une stratégie efficace. Ils ne doivent cependant surtout pas chercher à le faire seuls, mais doivent collaborer avec leurs pairs, leurs chaînes logistiques, les pouvoirs publics et des villes investies. »

La campagne Objectif zéro (Race to Zero) illustre la façon dont une coalition de diverses entités peut se former autour d’un objectif commun. À ce jour, cette coalition compte 452 villes, 22 régions, 1 101 entreprises, 45 investisseurs majeurs et 549 universités. Ces acteurs ont rejoint 120 pays au sein de la plus grande alliance jamais créée, qui s’est engagée à atteindre une neutralité carbone d’ici 2050 au plus tard.

Effectuer la transition

 

Utiliser les outils et guides tels que Climate Leadership NOW permet aux entreprises de mieux appréhender certains domaines d’action climatique plus complexes à l’échelle de leur organisation tout entière et de leurs chaînes logistiques. Ces projets doivent non seulement définir la manière dont une entreprise peut accélérer sa transition vers la neutralité carbone, mais aussi le rythme et l’ampleur de son action. « Les chaînes logistiques constituent un sujet de préoccupation particulier pour les entreprises. Leurs émissions sont en moyenne 5,5 fois plus importantes que les émissions directes de l’entreprise elle-même. De grandes organisations comme Apple s’affairent actuellement pour que la totalité de leurs entreprisse, de la fabrication aux chaînes logistiques en passant par les cycles de vie des produits, deviennent neutres en carbone d’ici 2030 », explique Dean Cambridge.

Une fois son ambition fixée, il est temps pour les entreprises de passer à l’action. Il est aujourd’hui largement admis que si nous ne réduisons pas de moitié les émissions de carbone mondiales d’ici 2030, alors il sera extrêmement difficile d’atteindre la neutralité d’ici 2050. Sachant cela, les entreprises doivent donc profiter de la décennie à venir pour réorienter efficacement leurs activités. La tarification du carbone peut favoriser la transition des entreprises vers des opérations neutres en carbone. En développant un coût estimatif de leurs émissions de carbone, les dirigeants d’entreprises peuvent inclure le changement en faveur du bas carbone dans leurs stratégies d’entreprise. Saint-Gobain intègre par exemple deux niveaux de tarification. Le premier, 30 €/tonne, est appliqué aux gros investissements comme les projets liés à l’énergie. Le second, 100 €/tonne, est utilisé pour orienter les budgets R&D à long terme.

Les grandes entreprises ne sont pas les seules à pouvoir prendre des mesures concrètes. Les PME représentent 90 % de toutes les entreprises à travers le monde. La Chambre internationale de commerce, aux côtés d’organismes tels que We Mean Business, aide les PME membres à planifier leurs actions et à prendre des mesures dès aujourd’hui. « Il est important de se souvenir qu’il ne s’agit pas d’un problème d’inaction, mais du fait de ne pas bénéficier des conseils dont on a besoin. Toutefois, avec le récent lancement du SME Climate Hub, un guichet unique proposant aux PME tous les outils et ressources utiles à la réduction de leurs émissions, nous espérons que ces dernières apporteront les changements nécessaires à leurs modèles opérationnels », précise Dean Cambridge. Par ailleurs, les dirigeants d’entreprise qui s’appuient sur ces PME et leurs chaînes logistiques peuvent les encourager à adopter de nouvelles méthodes et les assister en leur fournissant les outils et connaissances qui les aideront à procéder aux changements nécessaires.

Relever un défi mondial à grande échelle

Le dernier rapport « Mission possible » publié par l’ETC (Energy Transitions Commission) indique que développer une économie zéro émission de carbone est faisable d’ici 2050, mais implique de changer de manière significative nos systèmes à l’échelle de la planète. L’approvisionnement annuel mondial en électricité devra par exemple être multiplié par 4 ou 5 par rapport à son niveau actuel pour atteindre environ 90 000 à 115 000 térawatts-heure, et ceci produit dans le respect de la neutralité carbone. Une telle entreprise nécessite une hausse conséquente de l’investissement dans les énergies renouvelables, une ubiquité croissante de l’usage direct d’électricité ainsi qu’un développement considérable du rôle de l’hydrogène.

Relever ce défi et bien d’autres encore afin de créer une économie zéro carbone requiert une collaboration plus étroite entre de nombreux acteurs allant des institutions mondiales aux pouvoirs publics locaux en passant par les multinationales et les entreprises locales. En joignant leurs efforts, ils peuvent créer un environnement opérationnel plus efficace qui leur permette de promouvoir l’action climatique et d’aligner leurs activités de lobbying au sein de groupes commerciaux, mais aussi de secteurs industriels et géographiques tout entiers. Au Brésil, plusieurs sociétés ayant adopté des accords zéro déforestation collaborent aussi avec les pouvoirs publics et les ONG dans le cadre d’initiatives comme le programme Produire, conserver et inclure (PCI) de l’État du Mato Grosso. L’objectif est d’encourager la reforestation pour soutenir une production agricole et un élevage plus durables. « Le co-bénéfice constitue une part importante du travail que chacun doit réaliser. Vous devez vous assurer que vos actions ne nuisent pas, mais qu’elles améliorent au contraire l’environnement des gens et favorisent la biodiversité », ajoute Dean Cambridge.

Dès lors que les décideurs politiques verront les entreprises partager une ambition de zéro émissions nettes et passer à l’action, ils pourront proposer des réglementations et des lois susceptibles d’avoir un impact significatif. Plus de 170 entreprises et investisseurs ont, par exemple, rédigé une lettre ouverte à l’UE pour soutenir une réduction européenne d’au moins 55 % des émissions de gaz à effet de serre pour 2030 afin d’aider le bloc à devenir neutre en carbone d’ici 2050.

Investir aujourd’hui pour demain

Se fixer des objectifs ambitieux en matière de réduction de carbone et de déploiement des énergies renouvelables peut aider les entreprises à mieux appréhender l’investissement en capitaux nécessaire pour les atteindre. Il est donc essentiel qu’elles s’approprient des objectifs de neutralité carbone. Inciter leurs employés et les acteurs concernés à s’impliquer dans leur programme de développement durable peut renforcer la loyauté de leurs collaborateurs et augmenter leurs ventes et leur retour sur investissement.

Les entreprises doivent déployer cette stratégie au cours de la prochaine décennie pour se préparer à aller plus loin dans les années 2030 avec d’importants projets de décarbonation déjà en place. Il leur faut donc évaluer dès à présent la valeur à long terme de leurs investissements potentiels, qu’il s’agisse de nouvelles technologies, de solutions fondées sur la nature ou de captage et stockage du dioxyde de carbone. Elles doivent aussi se préparer au changement. Cela peut impliquer de redéployer leur personnel, de le former à nouveau ou d’identifier d’éventuels problèmes tout au long de la chaîne de valeur.

En mettant nos entreprises sur la voie de la neutralité carbone dès aujourd’hui, nous pouvons espérer en faire une réalité.

 

Crédits : Olivier Le Moal / Shutterstock

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