Les entreprises au défi de l’employabilité de leurs collaborateurs

L’employabilité ? C’est la capacité de chacun à évoluer au sein du marché du travail, tout au long de sa vie professionnelle. Mais dans un monde en mutation qui exige de chacun la capacité de se réinventer, comment faire pour que les collaborateurs conservent au fil du temps leur haut niveau d'employabilité ? Et de quels leviers disposent les entreprises pour les y aider ?

Comment libérer le potentiel des collaborateurs ?

Fin du plan de carrière tout tracé, accélération de l’obsolescence des compétences, apparition de nouveaux métiers, explosion technologique... Ces dernières années, la révolution digitale du travail chamboule nos vies professionnelles et exige une véritable flexibilité à qui veut maintenir son employabilité au sommet. Mais pour y parvenir, tout au long de sa carrière, encore faut-il être en capacité de se réinventer, disposer des outils adéquats et qu’une dynamique nous y invite. Comment les entreprises peuvent-elles faciliter cette démarche ? Le sujet, très actuel, anime de nombreuses études.

"Le vrai défi pour les jeunes qui sont en formation initiale, c’est que dans 85 % des cas, le métier qu’ils exerceront en 2030 n’existe pas encore. Alors comment se préparer à des métiers qui n’existent pas ?"

L'entreprise en 2021 : un modèle qui comporte de nouveaux défis

Les entreprises d’aujourd'hui, quelle que soient leurs tailles, quelle que soit leurs localisations, n'ont plus grand chose à voir avec le modèle qui dominait le XXème siècle. Finis les carrières toutes tracées, la standardisation des tâches, les profils uniformes qui définissaient l'emploi. Bienvenue, en revanche, aux parcours personnalisés et à l’esprit d’initiative. Une tendance positive, car l’effectif d'une entreprise est tout sauf homogène. Au contraire, il s'enrichit de profils différents et complémentaires. Comme le précise le Boston Consulting Group (1) : « Le capital humain (...) comprend les baby-boomers, qui sont nés à l'aube de l'ère spatiale, les membres de la génération X, qui ont surfé sur la vague de l'informatique personnelle, les Millennials qui ont grandi avec les téléphones portables, et les jeunes de la génération Z, qui sont des digital natives. Chaque groupe a des intérêts, des valeurs, des connaissances, des compétences, des expériences et des ambitions qui lui sont propres. ». Loin d'être un handicap, ce mélange s'avère bien souvent une force pour les compétences requises dans l'entreprise. Mais il peut également représenter un défi quand il s'agit de déterminer quelles aptitudes doivent ou peuvent être développées. Des aptitudes qui peuvent être très diverses selon les profils. 

Le fossé des compétences

Un autre phénomène met au défi l'entreprise et ses salariés : l’inadéquation des compétences. Il s'agit du décalage qui se creuse entre un monde éducatif qui forme de futurs salariés à des compétences… qui pourraient bien être déjà obsolètes à leur arrivée en entreprise, et des entreprises contraintes de recruter des profils qu'elles vont devoir former in situ. « Le vrai défi pour les jeunes qui sont en formation initiale, c’est que dans 85 % des cas, le métier qu’ils exerceront en 2030 n’existe pas encore (2). Alors comment se préparer à des métiers qui n’existent pas encore ? » se demande Isabelle Rouhan, Fondatrice du cabinet de recrutement Colibri Talents et Spécialiste des métiers du futur, interrogée dans l’épisode « L’humain trouvera-t-il sa place dans la révolution digitale du travail ? » du podcast Le pouvoir caché des matériaux de Saint-Gobain. Une question aiguë car, au final, le fossé engendré par cette « inadéquation des compétences » ressemble surtout à un gaspillage immense de moyens et d'argent. Et d'autant plus préoccupante qu’elle concernerait 2 employés sur 5 – soit environ 1,3 milliards de personnes dans le monde, d’après l’OCDE (3).

 

 

 

Se former tout au long de la vie

Mais au-delà des éventuels problèmes de compétences décorrélées des besoins des entreprises, le principe de continuer à se former tout au long de la vie n’est pas chose aisée pour tous les collaborateurs alors même qu’il est désormais acquis que la capacité à se réinventer et l’autonomie dans l’apprentissage sont centrales pour renforcer son employabilité. Comme le définit l'agence de conseil McKinsey dans son article The most fundamental skill : Intentional learning and the career advantage (4) « L'apprentissage en soi est une compétence. Débloquer l'état d'esprit nécessaire pour la développer peut donner un coup de fouet à la vie personnelle et professionnelle et procurer un avantage concurrentiel ». 

Quelles compétences pour aujourd’hui… et demain ?

Avec le développement de la robotique et de l’intelligence artificielle, chacun le sait désormais : les compétences techniques et la maîtrise d'outils sont à revoir régulièrement et certaines pourraient même devenir inutiles. « Nous assistons à une obsolescence accélérée. Dans les années 1970, l’OCDE estimait qu’une compétence technique avait une durée de vie d’à peu près 20 ans. Aujourd’hui c’est fini. Une compétence technique a une durée de vie de 5 ans maximum », confirme Isabelle Rouhan.

Comme le précise le cabinet McKinsey, au cours des 10 à 15 prochaines années, l'adoption des technologies d'automatisation et d'IA transformera le lieu de travail, les personnes interagissant de plus en plus avec des machines toujours plus intelligentes. « Ces technologies, et cette interaction homme-machine, apporteront de nombreux avantages (…), mais elles modifieront également les compétences requises des travailleurs humains ».

Les savoir-être devraient donc se trouver de plus en plus valorisés. Les « savoir-être » ? Pour le Cabinet Deloitte (5), plus que les compétences techniques, ces aptitudes telles que la créativité, le leadership et l'esprit critique pourraient être plus importantes que jamais. McKinsey conseille d’ailleurs aux entreprises (6) d’aider leurs collaborateurs à se créer une trousse à outils qui sera utile quelle que soit l'évolution de leur rôle spécifique. Celle-ci comprendrait notamment des « capacités d’adaptabilité et de résilience », devenues clés dans un contexte mondial chamboulé par la crise sanitaire, qui a bousculé et accéléré le champ des compétences techniques requises (travail à distance, digitalisation des tâches, changement de rôle...).

Installer une culture de l'apprentissage 

Alors, afin de renforcer l’employabilité tout au long de la vie professionnelle, ce sont d’abord les mentalités qui doivent pivoter pour instaurer une culture de l'apprentissage en continu – y compris en entreprise. Et dans cette évolution, les collaborateurs eux-mêmes ont le premier rôle. En effet, pour le Boston Consulting Group (1), « Dans le passé, la responsabilité du développement d'un individu était confiée aux employeurs et à l'État. Le monde d'aujourd'hui exige des employés motivés à assumer la responsabilité de leur croissance personnelle. »

Mais alors, comment accompagner les collaborateurs dans cette culture apprenante ? L'entreprise peut, et doit, aborder chaque moment de la carrière d’un collaborateur comme une opportunité d'apprentissage et rendre accessibles toutes ses formations via la voie numérique pour en faciliter la portée. Mais elle peut aussi évoluer sur le fond, comme l’analyse Isabelle Rouhan : « Embarquer tout le monde dans cette transformation […] nécessite un effort de formation, mais surtout un effort d’ouverture d’esprit de la part des recruteurs, de la part des DRH, de la part des dirigeants ».

Cols blancs et cols bleus : tout le monde est concerné

Une culture de l’apprentissage qui ne doit pas concerner seulement les managers qui cherchent à évoluer. Les « cols bleus » sont partie prenante de ce mouvement, malgré des croyances tenaces de compétences fixes et immuables qu'ils peuvent conserver. La curiosité, la demande de nouvelles responsabilités, l'envie d’évolution ou d’autonomie sont des atouts qu'ils peuvent tout à fait mettre en avant pour se former tout au long de leur carrière. Car les postes manuels et techniques ne sont pas en reste : des formations technologiques, des mises à jour de sécurité, des compétences numériques, ou encore l’apprentissage de langues pour évoluer au sein des différentes branches internationales d'une entreprise, sont au cœur de l’actualité. « C’est d’ailleurs aussi pour cela que je souhaite déployer le 4.0 dans nos usines », explique Frédéric Pouille, Directeur industriel du métier isolation de Saint-Gobain. « C’est pour que toutes les personnes qui travaillent sur le terrain aient la possibilité de se familiariser petit à petit à ces outils numériques. Si tous les mois ou tous les deux mois vous découvrez et pratiquez une fonctionnalité nouvelle, vous faites évoluer vos compétences. Et je pense que les managers doivent être attentifs à créer ces conditions-là, même s’il n’y a pas de profit visible à court terme. » Car en visant toujours plus haut, à chaque niveau et individuellement, c’est bien toute l’entreprise qui profite du voyage.

Heureusement, le changement de vision est en route, dans de nombreuses entreprises notamment chez Saint-Gobain, qui accompagne ses collaborateurs tout au long de leur vie professionnelle et les encourage même à devenir intrapreneurs, via le programme InPulse Chez Google, les employés sont invités à travailler 80 % de leur temps sur leur tâche professionnelle et 20 %... sur ce qu’ils veulent ! Qu’il s’agisse de projets personnels ou d’idées qu’ils souhaiteraient faire grandir au sein de l’entreprise, l’important c’est que le sujet les motive et qu’ils développent au passage de nouvelles compétences. Autre exemple inspirant chez Toyota, qui appuie sa politique de carrière sur le “kaizen” comme façon de travailler. Concrètement, chacun est encouragé à réfléchir à la manière dont il peut améliorer sa façon de faire les choses, à la fois pour aider l'entreprise mais aussi pour son développement personnel. Des formations sont donc possibles à chaque étape de sa propre évolution. 

Plus d’autonomie et moins de trajectoires toutes tracées : c’est en valorisant ces changements de mentalité et d'organisation que l'entreprise et ses collaborateurs pourront aborder sereinement les évolutions qui continueront à réinventer nos vies professionnelles. 

 

 

 



 

(1) Fixing the Global Skills Mismatch / Boston Consulting Group

(2) Institute for the Future / Dell

(3) Enhancing employability / OCDE

(4) The most fundamental skill: Intentional learning and the career advantage / McKinsey

(5) L’organisation adaptable / Deloitte

(6) Building the vital skills for the future of work in operations / McKinsey



 

 

Crédits Photos : Blue Planet Studio/Shutterstock ; Drazen Zigic/Shutterstock

 

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