Serious game : quand l’entreprise se met en jeu

Longtemps réservés à la formation des salariés, les serious games font désormais partie des outils qui facilitent le recrutement et travaillent la marque employeur ou culture d’entreprise. A qui s’adressent-ils ? Quels sont leurs atouts ? Leurs limites ? Bienvenue dans l’ère de l’enter-tainment !

Tout le monde se prend au jeu !

L’entreprise est un jeu sérieux

Hier, le recrutement s’appuyait sur le binôme « CV-lettre de motivation » et la marque employeur passait par des films institutionnels et des brochures. Mais désormais, les serious games bousculent la culture d’entreprise par leur approche plus ludique. Un outil ludique mais sérieux, très sérieux même, puisqu’il permet de mieux évaluer des soft skills et la connaissance des métiers.
Contrairement à un entretien, pendant lequel un candidat peut manquer de clarté sur ses aptitudes, le serious game les révèle au grand jour… par le jeu !
Julian Alvarez
Chercheur en ludologie et concepteur de serious games

Le saviez-vous ?

Les premiers serious games remonteraient à l’Egypte ancienne. Leur ambition ? Diffuser la connaissance religieuse.

Les traditionnels CV et lettres de motivation seraient-ils une espèce en voie de disparition ? Pas tout à fait, mais presque ! Depuis quelques années en effet, les serious games dépoussièrent les entretiens traditionnels. Interactifs et ludiques, ces nouveaux jeux de rôles ont gagné les faveurs des recruteurs, en quête du collaborateur idéal.

Serious game ? Mais qu’est-ce donc ? 

D’après Julian Alvarez, chercheur en ludologie et concepteur de serious games, « un serious game est une activité qui combine une intention « sérieuse » — de type pédagogique, informative, communicationnelle, marketing, idéologique ou d’entraînement — avec des ressorts ludiques ». Il complète, « les tout premiers serious games de type numériques sont probablement apparus dans les années 1950 aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, mais c’est en 2002 que l’US Army s’en est servi pour la première fois dans ses recrutements de manière efficiente. Cet outil, qui se présente sous la forme d'un jeu vidéo multijoueur, s’est avéré être bien plus efficace que les spots TV ou radio, pour enrôler de jeunes recrues. »

Serious game et soft skills

Depuis, le serious game s’est taillé une solide réputation dans les processus de recrutement, notamment au sein des grands groupes qui profitent de ce « nouveau terrain de jeu », pour tester leurs candidats – en dépassant notamment la barrière du diplôme pour se concentrer sur leur personnalité et leurs « soft skills ». Les « soft skills », ce sont les compétences comportementales qui sont essentielles au quotidien, notamment dans le cadre professionnel, comme la créativité, la capacité d’adaptation, l’écoute, le sens de l’organisation…

« En plaçant les candidats en immersion totale dans un jeu, les recruteurs peuvent, de leur côté, évaluer les capacités d’analyse, d’écoute ou de synthèse des différents joueurs, souligne Julian Alvarez. Ils peuvent aussi observer les réactions des uns, les prises de décision des autres. » En effet, les serious games permettent de dévoiler plus facilement certains traits de personnalité, difficilement décelables en entretien. Qui prend le leadership ? Qui reste en retrait ? Le candidat veut-il gagner à tout prix, quitte à utiliser la triche ? Accepte-t-il de perdre ou va-t-il abandonner en pleine partie si le défi semble trop difficile ?

« Ces savoir-être ou soft skills sont difficiles à apprécier sur un CV, précise Julian Alvarez. En revanche, pris dans le feu de l’action, le candidat pourra difficilement surjouer… et dans un jeu, le naturel revient vite au galop ! »

Collaborateurs, candidats : tout le monde se prend au jeu

Jeux de rôles, escape games, mises en situation… Autant de possibilités de gamification au service du recrutement ou de la diffusion de la culture d’entreprise ! Le serious game peut revêtir différentes formes, du jeu de Lego, aux énigmes en passant par un véritable jeu vidéo en 3D ! Ce format 100 % digital séduit particulièrement les Millenials et les digital natives, ultra-connectés et nourris aux réseaux sociaux, consoles et autres applications depuis leur naissance… mais pas seulement car aujourd’hui le digital et ses usages se sont diffusés dans toutes les classes d’âges.

« L’avantage du serious game, c’est qu’il peut s’adapter à tous les secteurs d’activités, précise Julian Alvarez. Pour le secteur du bâtiment, par exemple, il a été reporté que des personnes douées pour les jeux musicaux et de rythmique, avaient des habiletés à piloter des grues. Elles ont développé une agilité manuelle, appuient sur les touches au bon moment, avec le bon dosage. Reste bien entendu à évaluer cela d'un point de vue scientifique. »

Pas de jeu pour remplacer le savoir-faire du recruteur

Si les serious games ont nourri la spontanéité des entretiens de recrutement, ils ne sauraient pour autant s’y substituer. « Cela doit rester une expérience proposée à un instant T, prévient Julian Alvarez. Les entreprises doivent toujours garder leur discernement ; un candidat ou un collaborateur peut être inhibé ou mal à l’aise avec le jeu proposé. » Le risque, évidemment serait de vouloir piéger les candidats à tout prix, en proposant une énigme impossible, voire, en infiltrant une équipe, avec un recruteur sous couverture. « Ce genre d’attitude va à l’encontre de la relation de confiance que le recruteur ou l’entreprise souhaite nouer avec le candidat. Le serious game doit veiller à rester bienveillant. »

Par ailleurs, une entreprise qui utilise le serious game dans son recrutement véhicule une image jeune, dynamique… Mais est-ce vraiment le cas ? « La DRH devrait toujours s’interroger sur le choix de cette solution de recrutement. Est-ce par effet de mode ? Pour faire comme la concurrence ? Cela paraît anodin, mais dans certains secteurs en tension le candidat retenu peut être très déçu si la culture d’entreprise est finalement aux antipodes de l’image donnée par le serious game. Et un collaborateur déçu, c’est une marque employeur écornée. »

Saint-Gobain Brain : le serious game digital pour comprendre les métiers de Saint-Gobain

La marque employeur, justement, et sa diffusion, sa compréhension : voilà ce qui a guidé la création de Saint-Gobain Brain, un serious game virtuel imaginé par Saint-Gobain – et accessible à tous, collaborateurs du Groupe, candidats ou simples curieux.

« Alors que de nombreux serious games ont été créés pour le recrutement, il n’existait pas encore de serious game dédié à la diffusion et la compréhension de la culture d’entreprise », explique Hortense Bachelier qui a piloté le projet au sein du Groupe Saint-Gobain.

 

Ludiques, technologiques, évolutifs, centrés sur les soft skills, divertissants, les serious games permettent une rencontre moins formelle entre les entreprises et leurs différents publics. Une approche paradoxalement plus « humaine » et qui a de l’avenir…

 

Crédits photos : Saint-Gobain, Shutterstock / Wayhome Studio, Shutterstock / GaudiLab, Shutterstock / Mix and Match Studio

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