L’économie circulaire va-t-elle réinventer l’industrie ?

Face au défi climatique, à la nécessaire préservation des ressources, l’économie circulaire n’est plus une option, mais une nécessité qui accélère la mue du monde industriel. Mais comment conjuguer durablement usine du futur et circularité ?

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Une industrie durable et compétitive

Triste date que celle du 29 juillet 2021… C’est le « jour du dépassement », calculé par l’ONG Global Footprint Network*. Autrement dit, c’est le jour où l’humanité a consommé l’ensemble des ressources que notre belle planète peut régénérer en un an. Oui, nous vivons à crédit pendant 5 mois, et si nous continuons dans cette course folle, il faudra bientôt 3 planètes Terre pour subvenir à nos besoins. Notre stock de matières premières est fini, épuisable, de plus en plus rare…

Alors que faire ? Alors que la COP 26 vient de s’achever, les États tirent la sonnette d’alarme. Tous en appellent à une prise de conscience pour sortir de notre économie linéaire – extraire, produire, utiliser, jeter – et tendre vers un modèle plus résilient. En tête de peloton, l’Europe entend ainsi devenir le premier continent « Zéro carbone » en 2050. Avec un mantra phare : l’économie circulaire. Si l’idée n’est pas nouvelle, elle résonne aujourd’hui dans un grand écho planétaire.

Écoconception, réemploi, valorisation… L’économie circulaire vise à découpler la croissance de l’épuisement des ressources, par la création de biens et services durables.

 Un triple enjeu social, économique, environnemental

Dans les grandes lignes, l’économie circulaire consiste à produire des biens et services de façon durable. Avec un triple objectif : préserver les gisements de matières premières, diminuer l’impact sur l’environnement et développer le bien-être des individus.

« Dans le modèle linéaire, les déchets produits sont destinés à l’enfouissement ou à l’incinération, expose Xavier Meyer, Responsable de l’économie circulaire chez Saint-Gobain. C’est un modèle qui gaspille énormément de ressources, contrairement à l’économie circulaire, qui vise à limiter fortement la consommation de matières premières et d’énergies non renouvelables. »

Face au réchauffement climatique et à la raréfaction des ressources, l’économie circulaire répond à un enjeu à la fois environnemental, économique et social.

Environnemental d’abord, parce que cette économie vertueuse optimise la gestion des ressources et minimise les émissions de gaz à effet de serre.

Un enjeu économique ensuite, car la circularité offre de nouvelles propositions de valeur, au travers du réemploi, par exemple. Fini, la société du tout jetable et de l’obsolescence programmée. Aujourd’hui, on répare, on réutilise, dans une logique d’économie durable. En substituant des ressources vierges issues d’un stock fini et épuisable par des matières premières issues du recyclage ou bio-sourcées, on limite l’impact de l’augmentation inéluctable et de plus en plus volatile des prix des matières premières (une augmentation causée par l’épuisement des stocks). Moins volatiles, plus régionalisées, les matières première secondaires aident également à sécuriser les approvisionnements, en réduisant les risques de rupture.

Un enjeu social enfin, parce qu’à l’échelle d’un territoire, l’économie circulaire crée de l’emploi local et favorise l’émergence de nouveaux métiers.

Partout, les initiatives prospèrent et montrent que l’industrie est au rendez-vous d’un monde plus frugal. Dans le secteur du bâtiment, Weber travaille à la substitution du sable par des matières usagées de type sable de fonderie, agrégats de démolition, etc. Demain, le ciment sera en parti issu de laine minérale broyée ou remplacé par des co-produits issus de l’industrie métallurgique. Certaines usines Saint-Gobain de plaques de plâtre fonctionnent déjà avec du gypse recyclé issu des déchets de chantier à hauteur de plus de 20 %.
De son côté, Placo® poursuit le travail d’allègement de ses plaques de plâtre : plusieurs pays ont ainsi réduit de plus de 15 % le poids de leurs plaques, à performance égale, bien entendu. Même sobriété affichée chez les verriers, qui amincissent l’épaisseur de leurs feuilles de verre, tout en maintenant l’efficience du produit final. D’autres industriels développent des procédés innovants permettant de récupérer un maximum de la valeur intrinsèque du produit en fin de vie, comme le français Michelin qui transforme par pyrolyse ses pneus usagés, afin de produire un carburant liquide de qualité.

Renforcer les réglementations pour aider à la transition circulaire

Pourtant, malgré toute cette bonne volonté industrielle, le chemin vers la circularité semble parfois long. Pourquoi ? Tout simplement parce que « penser circulaire » passe par une profonde transformation de notre façon d’innover, de produire, de consommer et de gérer la fin de vie des produits. Mais aussi parce que, bien souvent, la matière première vierge est moins coûteuse que la matière secondaire. La raison ? Les faibles coûts et contraintes d’enfouissement dans de nombreux pays. Dans le domaine de la construction, accélérer et généraliser les pratiques de déconstruction - plutôt que de démolition -, encourager les tendances durables du marché comme les solutions constructives légères et moins gourmandes en ressources sont autant de leviers pour favoriser une économie circulaire. Compte tenu des hétérogénéités en matière de réglementation, le management des « ressources de substitution » s’aborde à la maille d’un pays, d’une région, d’un territoire. Pour un groupe à l’aura internationale, la complexité redoublera donc en termes de législation et de pratiques, chaque pays imposant ses propres décrets.

 

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Des procédés à adapter

Pour les industriels, cela implique notamment de concevoir des produits et systèmes réduisant le recours aux matières premières non renouvelables, permettant une conservation de la valeur à long terme, mais également aptes à capturer la valeur de la matière à la fin de son cycle de vie. Cela implique aussi de développer des procédés industriels qui facilitent le retraitement des produits en fin de vie. Un exemple : la laine de verre. Pour être recyclée dans un four verrier, elle doit avoir été retraitée au préalable pour éliminer le liant organique qui la compose. Pour une plaque de plâtre, c’est l’élimination du papier qui conditionnera la capacité à réintégrer des taux élevés de matière recyclée. Enfin, pour un bardeau en PVC, ce sont les pigments de couleur qui constituent un frein au recyclage en boucle fermée. Un défi qui appelle le développement de solutions adaptées.
 

La R&D dispose donc d’un immense terrain d’études pour tester, adapter les compositions ou modifier certains procédés, car les ressources secondaires ont malheureusement un taux de pureté souvent inférieur à celui des ressources vierges.
Outre cette nécessité d’adapter les procédés industriels, il est intéressant de se pencher sur les notions de flexibilité, de modularité, d’adaptabilité et de démontabilité, afin de faciliter le réemploi, notamment dans le secteur du bâtiment.

 

                               A LIRE  AUSSI : « Existe-t-il des matériaux recyclables à l’infini ? »
 

Une économie de la résilience et de la proximité

Cette réinvention du modèle industriel pose les jalons d’un changement culturel profond qui doit passer par une compréhension partagée des enjeux, des risques et des opportunités. C’est un sujet transverse, qui doit être embrassé par tous, au sein des organisations et au cœur des territoires.

Créatrice de valeur et d’emplois, cette économie de la résilience est le fer de lance d’une industrie plus moderne et compétitive. De nouveaux acteurs émergent – transporteurs, collecteurs de déchets, transformateurs – qui participent à une « économie du PIB local » et à une logistique plus proche des ressources et des clients.

Certes, les défis sont encore multiples, car dans nombre de pays, le tri à la source demeure peu répandu et enfouir ses déchets reste une alternative plus économique que la valorisation… Mais face à la vulnérabilité des chaînes d’approvisionnements et la raréfaction des ressources, l’intégration de la circularité dans le fonctionnement industriel va dans le sens de l’histoire. Pour une industrie du futur durable, résiliente et porteuse d’une économie plus vertueuse.


*L’étude se fonde sur 3 millions de données, issues de 200 pays

 
 

Crédits photos : Krunja/Shutterstock - CAPAPICTURES_C.ABAD/Medialibrairy Saint-Gobain

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