Construire durable, c’est consommer moins d’eau

Alors que le réchauffement climatique bouleverse le cycle de l’eau en alternant sécheresses et inondations, une question émerge : allons-nous un jour manquer d’eau ? Le doute est légitime car les activités humaines ne font qu’amplifier ce stress hydrique. Comment économiser cette ressource dans le secteur de la construction ?  

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La construction, à l’épreuve de l’eau 

Ce n’est pas un hasard si on appelle la Terre la planète bleue. Composée à 70 % d’eau, notre belle planète nous rappelle combien c’est une ressource précieuse et essentielle, que l’on doit préserver. Et pourtant, notre Terre a soif. D’après l’OMS, 1 personne sur 3 n’a pas aujourd’hui accès à l’eau potable dans le monde. Et, selon les Nations Unies, 2/3 de la population mondiale manquera d’eau en 2025. 

Parmi les régions du monde les plus touchées par ce stress hydrique, le Proche-Orient, le Moyen-Orient, l’Afrique et l’Asie, frappés par des épisodes de sécheresse de plus en plus intenses. Paradoxe de la situation :  alors que 3 milliards d’humains manquent cruellement d’eau, d’autres agissent comme si cette ressource était inépuisable… Or, elle ne l’est pas. Le stress hydrique est un phénomène à prendre très au sérieux. En 2019, le Forum Économique Mondial classait même le phénomène comme l’un des plus grands risques mondiaux dans les années à venir. En cause, les épisodes climatiques toujours plus violents, qui dégradent durablement nos réserves en eau, exacerbant les inégalités sociales dans le monde. Et la situation risque de s’intensifier puisque certains experts prédisent un réchauffement de plus de 2 degrés à l’horizon 2040. Alors, allons-nous vers une pénurie d’eau ? De nombreux experts tirent la sonnette d’alarme, notamment dans les secteurs de l’industrie et de la construction, tous deux très gourmands en eau. 

La construction face aux défis du changement climatique

Filière sèche ou humide ? 

Conception des matériaux, fabrication de béton, usage sur les chantiers… Le bâtiment consomme beaucoup d’eau. Trop même. Or, pour être vraiment qualifiés de durables, nos constructions doivent tendre vers une résilience hydrique, tant dans leur conception que dans leurs usages. Alors, on fait comment ? 

Tête de proue de cette prise de conscience, la filière sèche gagne de plus en plus de terrain. Comme son nom l’indique, ce mode de construction n’utilise pas d’eau sur les chantiers. Au revoir donc, ciment coulé et béton. La filière sèche privilégie les murs et ossatures en bois ou en acier, prêts à être assemblés sur site... sans une seule goutte d’eau versée. Autres approches « sèches » : la préfabrication des éléments en usine, les chapes sèches ou les cloisons légères, qui limitent grandement la consommation d’eau lors de leur fabrication. Le bilan est plus que positif : une meilleure maîtrise de la ressource, une gestion des coûts optimale et une mise en œuvre simple et rapide.  

Consommer moins d'eau

Béton mis à sec 

Serait-ce donc la fin de la filière humide ? Ne tirons pas de conclusions hâtives, car le béton est loin d’avoir dit son dernier mot. Longtemps épinglé pour son mode de production peu écologique, le béton fait peau neuve. En effet, les cimentiers innovent avec de nouvelles formulations qui visent à limiter leur empreinte environnementale, et plus particulièrement leur consommation d’eau. Chryso, filiale de Saint-Gobain, a ainsi développé Chryso® AMT 2, un agent de mouture qui permet de réduire de façon significative l’eau de gâchage lors de la fabrication du béton. Il s’agit de l’eau incorporée au mélange liant et granulats qui permet d'enclencher la prise du béton et de lui conférer sa plasticité. 

Si aujourd’hui le béton joue les élèves modèles, d’autres solutions se distinguent par leur « hydrau-sobriété ». C’est le cas notamment de nombreux éco-matériaux, qui s’inscrivent dans une démarche globale de construction durable. Prenons le pisé, très utilisé en Afrique et dans les zones désertiques. Ce mode de construction millénaire utilise de la terre crue locale, sans aucune transformation, pour édifier les murs d’une maison. C’est simple, sain, et surtout très économe en énergie et en eau. Autre alternative, le chanvre. Cultivé sans pesticides ni irrigation, il est utilisé dans le bâtiment comme isolant naturel ou en remplacement du parpaing, grâce au béton de chanvre. Ici, la pose s’effectue à sec, par simple emboîtement des blocs, comme un jeu de Lego©.  

Bonnes pratiques sur les chantiers  

Économiser l’eau, c’est donc s’inscrire dans une logique globale de cycle de vie (production/fabrication des produits, mise en œuvre, recyclage) en essayant de consommer le moins d’eau possible, tout au long du processus. Mais ce n’est pas suffisant. Car pour gagner la bataille de l’eau, tout le monde doit passer à l’action, y compris sur les chantiers. Pas question, par exemple, de couler du béton par temps chaud pour éviter les mouillages fréquents de la chape. L’heure est à la responsabilisation, et il est important que les chantiers minimisent leur impact par une approche plus écologique, en réduisant au maximum tous les impacts, qu’il s’agisse de rejets ou de prélèvements dans le milieu naturel.  

Du sourcing aux déchets, itinéraire d’un chantier durable

Préserver l’eau potable 

La réutilisation des eaux usées traitées (REUT), adoptée par l’Union européenne en 2020, apporte un élément de réponse concret, face au risque de pénurie. 

Cette méthode consiste à traiter, filtrer et désinfecter une eau usagée dans une station d’épuration, avant de la renvoyer sur site ou de l’utiliser pour l’irrigation agricole. Une solution efficace, qui s’inscrit pleinement dans l’économie circulaire, tout en préservant les ressources en eau potable.  

Au-delà des eaux usées, il existe des eaux dites « non conventionnelles », comme l’eau de pluie ou l’eau de ruissellement, qui constituent également un gisement à exploiter. À titre d’exemple, à Chennai, en Inde, les usines Saint-Gobain Glass et Sekurit collectent l’eau de pluie des toits dans des récupérateurs, pour arroser une forêt urbaine. Durant la mousson, des réservoirs stockent également l’excédent d’eau qui servira à alimenter les usines. 

De telles initiatives industrielles trouvent aujourd’hui leur écho dans les villes et les logements résidentiels, Certaines municipalités ont par exemple mis en place des systèmes de récupération des eaux de pluie.  

Le fact-checking de la ville durable

On l’aura compris, face au défi climatique et à l’impact des activités humaines, il est urgent d’adopter une utilisation frugale de l’eau, à l’échelle d’un territoire mais aussi d’un bâtiment. Les nouvelles technologies, comme les capteurs intelligents, le smart building ou les jumeaux numériques, pourraient venir à la rescousse, afin d’assurer une gestion plus vertueuse de l’eau, comme c’est déjà le cas avec l’énergie. 

 
* source document de l'Observatoire des services publics d'eau et d'assainissement et de l'Office de la biodiversité (OFB) 

 

Crédits photos : Eyeem/tomasz zajda