À quoi ressemble l’artisan de demain ?

À quoi rêvent les artisans ? Comment ont-ils vu leur métier évoluer ces dernières années ? À quelles contraintes, à quelles attentes nouvelles doivent-ils faire face ? On part à la découverte des constructeurs de demain.

Artisan

En 2022, peut-on encore pratiquer son métier d’artisan comme avant ? « Oui… et pas vraiment », répondent en vrac les principaux intéressés.

Il faut dire qu’entre le défi environnemental, dans un monde qui comptera bientôt 10 milliards (!) d’habitants, et les réglementations qui vont avec… Entre les innovations-produits qui ouvrent des perspectives et la capacité d’adaptation constante que cela exige, entre les clients particuliers dont les demandes sont de plus en plus précises et informées et les réalités économiques au moment d’opter pour un produit ou un matériau… Pas facile tous les jours de mener sereinement le développement de sa petite entreprise d’artisanat.

Alors comment faire ? Comment font-ils, tous ces artisans qui bâtissent nos maisons, nos bureaux, nos écoles, œuvrent pour le confort de nos vies quotidiennes ? Quels défis d’aujourd’hui sont en train de transformer les artisans de 2022 en constructeurs de demain ? Éléments de réponse.

Des métiers de plus en plus qualifiés et valorisés

« Les exigences des métiers de la construction impliquent désormais plus de qualification. Je pense notamment à la pratique du numérique, à l’utilisation du BIM... Mais aussi aux questions d’efficacité énergétique ou à la mesure la performance », établit une recruteuse française du secteur, dans une étude publiée par l’Observatoire des métiers du BTP*.

Une montée en compétences qui a de très bons côtés, analyse-t-elle : « Aujourd’hui on a des hommes de métier qui viennent chercher du sens. Travailler avec plaisir et pour se faire plaisir ».

 

L’environnement au cœur

Et pour trouver du sens, quoi de mieux que d’embrasser pleinement le défi environnemental ? La quête d’un monde de la construction libre de toute émission carbone ne touche plus seulement les grands acteurs économiques comme Saint-Gobain : à leur niveau les artisans s’emparent aussi du sujet.

De toute façon, ont-ils vraiment le choix ? Tant chez leurs clients particuliers que du côté des distributeurs de matériaux, c’est l’enjeu climatique qui s’impose. Impossible désormais de mener un chantier en faisant la sourde oreille à ces questions : choix des matériaux, des techniques, gestion des déchets, réutilisation, optimisation… Les artisans doivent devenir à la fois prescripteurs et utilisateurs de solutions de construction durable.

Artisan-demain

 

Construire vite, construire mieux sur des chantiers plus efficaces

Sauf que construire durable, pour les artisans d’aujourd’hui, cela passe souvent par de nouvelles façons de construire, tout court

Un mode de construction rapide qui permet de vrais gains de temps grâce aux modules préfabriqués, aux plaques de plâtre livrées déjà découpées aux bonnes mesures ou outils de réalité augmentée qui permettent de visualiser le rendu d’une peinture, d’une cloison placée à tel ou tel endroit.

 

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Des améliorations qui peuvent constituer tout de même un défi car très en rupture avec les approches traditionnelles, celles que les artisans ont appris depuis toujours…

Comment intervenir sur un module préfabriqué déjà posé sur son terrain ? Comment comprendre et s’approprier les caractéristiques – et les atouts ! - d’une construction légère… Et puis travaille-t-on vraiment de la même façon sur une maison structurée autour d’une ossature bois qu’on le ferait sur un bâtiment tout en parpaings ?

 

L’avènement digital

Et justement la clé pour des chantiers plus efficaces, adaptés aux approches nouvelles de la construction, se cache en partie dans les outils digitaux. Des outils de plus en plus adoptés et qui pourraient bien bouleverser profondément les pratiques des artisans.

Car si l’image d’Épinal de l’artisan l’a longtemps enfermé dans une posture d’expert, très fort sur son cœur de métier mais parfois un peu hermétique au monde qui changeait autour de lui, c’est fini. Ou quasiment. Partout dans le monde, les artisans sont désormais aussi digitalisés que le reste de la société.

Et heureusement car de plus en plus de chantiers de construction s’appuient sur des outils numériques. Demain, les imprimantes 3D pourraient se généraliser sur les chantiers, permettant de fabriquer des pièces directement sur site. Déjà certains artisans (notamment des électriciens) utilisent des drones pour faire des repérages, visualiser des zones difficiles d’accès, recueillir de précieuses données.

 

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Cet usage des outils numériques devrait s’imposer de plus en plus aux artisans – même aux plus petits. Mais pour digitaliser franchement les professionnels du BTP, encore faudrait-il que les outils technologiques mis à leur disposition soient réellement adaptés à leurs besoins.

 

Le défi BIM

Un exemple avec le BIM. Si la construction numérique offre une opportunité extraordinaire de réduire le gaspillage – de temps, d’argent et de matériaux - et de réduire l'impact sur notre planète. C’est sans doute pour cela que cette approche digitale et mutualisée de la construction s’impose progressivement sur la plupart des (grands) projets de construction. Mais pour les « petits artisans », le BIM c’est encore un défi.

 

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Un outil puissant, étonnant, mais qui reste difficile à appréhender pour de nombreux artisans. Trop cher, trop compliqué. Et pourtant, ceux qui franchissent le pas semblent convaincus "Les bénéfices du BIM sont un gain de temps, une meilleure organisation, un accès aux dossiers où que l'on soit, des informations toujours à jour et la possibilité de réaliser des plans 3D", explique au magazine Artisans Gilles Mailet, patron d’une petite entreprise de travaux électriques, installé près de Paris, en France. « De toute façon, c’est quelque chose que nous allons devoir apprendre à maîtriser, parce qu’on finira par nous l’imposer par rapport aux assurances, aux garanties… », complète un autre artisan français, Loïc Vazquez, au média Le monde des artisans.

Une urgence à faire adopter le BIM qui a été bien identifiée par les gouvernements, aux quatre coins du monde. L’Autriche et la Norvège, par exemple, ont été les premiers pays européens à imposer l’usage du BIM pour tous les projets publics. La France a lancé un ambitieux « Plan BIM 2022 » à destination, en particulier, des artisans et petites entreprises du secteur de la construction. Au Royaume-Uni, le gouvernement encourage depuis 2016 l’usage du BIM, à tel point que désormais 62 % des petites entreprises l’utilisent activement. À Singapour, en Asie, la question est réglée depuis 2015 : le BIM est obligatoire pour tous les projets de plus de 5 000m2***.

Alors comment mener l’ensemble des artisans au BIM ? Avec des logiciels libres, collaboratifs, qui interagissent facilement les uns avec les autres… Mais surtout, un changement d’état d’esprit avec la généralisation d’une culture de la collaboration et du partage de données. Un vrai défi. Et pas technologique, celui-là !

Car ce changement d’état d’esprit passe par l’échange entre pairs et la formation.

 

Échanger et se former, en continu

Car de plus en plus des forums dédiés, des espaces connectés, facilitent le partage de connaissance entre professionnels et des outils de pilotage en ligne ou sur mobile simplifient le pilotage quotidien de leur activité.

Des Moocs et même des outils de simulation en réalité virtuelle permettent de se former à de nouvelles techniques, d’apprendre à utiliser des matériaux innovants, de comprendre des points de réglementation. Des formations qui sont souvent proposées par les distributeurs de matériaux avec lesquels les entrepreneurs disent souhaiter une collaboration de confiance, sur le long terme.

Une appétence pour la formation tout au long de la vie qui n’étonne plus vraiment. En effet, d’après une étude menée par l’assureur Axa au Royaume-Uni***, la moitié des jeunes professionnels des métiers du BTP sont issus d'une formation universitaire et 80 % ont obtenu le bac (le A-Level au Royaume-Uni) ou un diplôme équivalent. Et le nombre de ceux qui ont suivi un apprentissage a également presque doublé.

On l’aura compris, les constructeurs de demain sont déjà là. Ce sont les constructeurs de 2022, ceux qui déjà osent se réinventer, s’adapter à d’autres techniques, d’autres matériaux, d’autres façons de faire et même de gérer leurs chantiers. Curieux, ouverts, très experts, formés en continu, ces artisans s’inscrivent dans l’échange pour se renouveler, participant ainsi activement à l’effort commun en faveur d’un secteur de la construction plus efficace, plus vertueux.

 

 

* Étude quantitative sur les profils des primo-entrants – Observatoire des métiers du BTP

** United BIM

*** 'New tradesmen' are the future of UK construction

 

Crédits photos : wavebreakmedia/Shutterstock et procédé Norper Joseph Melin/SGDB France

 

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